Culture

Recueil: Les Fables du doute et de la certitude de Noureddine Bousfiha

Noureddine Bousfiha n’est pas seulement romancier et essayiste. Il ne doit pas nous faire oublier qu’il est avant tout indubitablement poète

Les Fables du doute et de la certitude de Noureddine Bousfiha est un recueil en profondeur, exprimé dans le langage d’une âme ouverte sur les causes les plus cachées, les moins visitées de la lumière. Il force les portes lointaines, arrive là où le mystère l’attend. Il ne craint pas de remuer les braises pour dire les choses essentielles ; de vivre pour elles au lieu de se taire.

Noureddine Bousfiha n’est pas seulement romancier et essayiste. Il ne doit pas nous faire oublier qu’il est avant tout indubitablement poète.  En dépit de certaines apparences, son dernier volume de vers nous offre une poésie qui nous vient des frontières les plus lointaines ; une poésie de valeur, revenue de bien des enthousiasmes où l’on perçoit les pulsations imprévisibles d’une vérité instinctivement vécue en même temps qu’innocemment transfigurée. D’un poème à un autre, d’une évocation à une autre, nous accédons à une substance subordonnée à une lecture qui semble suffire à considérer une pensée que le poète suit où qu’elle aille, retraçant les fièvres d’une aventure qui interpelle son lecteur, sans le moindre malentendu.

 

 

Pour autant qu’il nous soit permis de nous référer à ce seul recueil, il semble que le poète use d’un langage plutôt recherché pour interroger sa matière, un langage du refus de l’objectivité qui sonde le dedans pour mieux voir et sentir. Ce recueil profond n’a pas la vanité pour cadre principal, mais l’indulgence pour soi-même. A quelque hauteur où le poète se situe, ses poèmes provoquent par leur tragique, la réalité qui les fonde et qui n’exclue pas la lucidité. On sent qu’au bout de tant d’années, cette poésie continue à s’appuyer avec confiance sur ce qui la fonde : une sorte de réminiscence qui, à peine proférée, aimerait retrouver la pureté du silence. Logiquement, nous ne devrons rien ajouter à ce que l’immense Khaïr-Eddine -dans sa postface- a bien voulu nous dire du poète et de sa poésie. Ses formules sont justes et percutantes. Voilà qui nous prouve que l’essentiel de ces textes est entendu. Peut-être nous sera-t-il permis de préciser en prime, que cette poésie de rigueur s’oppose à une autre toute « blanche » que pratique d’autres poètes, appuyée par un lyrisme asymptomatique qui se pique de modernité. Nous ne portons pas ici un jugement littéraire, encore moins un jugement moral. Il suffit tout simplement de se demander si l’on peut encore prendre plaisir à la lecture de ces fables ou s’intéresser à la démarche généreuse du poète.

Noureddine Bousfiha nous surprend par la sincérité vibrante et fraternellement humaine de ses vers. Il a choisi d’être le témoin d’une condition humaine dont la poésie est l’expression la plus vive, la plus douloureuse aussi. Au nom de sa fureur, il nous secoue. Les laisses s’accrochent, tantôt jusqu’à l’éclatement du doute, tantôt furieusement jusqu’à la certitude. Outre cela, une pudeur ajoute à ces poèmes un désespoir qui ne veut pas se trahir et qui pointe ça et là pour cautériser de profondes plaies. Ailleurs dans ces vers, il y a une pensée exemplaire. Elle se prolonge le long du recueil en jouant avec les mots alliant l’accent de la colère et de la révolte qui ne peuvent manquer de soulever, sous son aspect le plus aigu, le problème des rapports de l’individu et d’une société qui ne veut pas admettre que lui échappe ce qu’il y a de plus intime, de plus secret chez le poète. Et ce qu’il faut aimer enfin dans ces « fables » -loin de tout verbalisme et de tous les artifices- le naturel et la sagesse qui s’y mêlent à ce pouvoir d’émotion, construisant un univers sans pour autant sacrifier au travail de la langue.

Nous sommes persuadés que Noureddine Bousfiha, confiant en ses pouvoirs, est organiquement un poète dont la profondeur ne livre sa substance qu’aux lecteurs patients. A lire avec un grand soin.

Par Jebbari Mouad

Les Fables du doute et de la certitude, Frontispice et postface Mohammed Khaïr-Eddine, Editions Orion, 2020, 106 pages.

 

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