Le confinement a libéré les imaginaires, s’il a bridé les énergies. Plus d’un y est allé de sa chronique. Pour dire l’angoisse qui a souvent tenaillé l’âme dans une situation inédite. Cette aventure collective, on le sait déjà, n’a pas toujours été une partie de plaisir.
Pour résister, nombreux sont ceux qui ont laissé leur plume caracoler. Tapis dans leur tranchée, ils attendaient des nouvelles du front, un drap blanc à défaut de nouvelles réjouissantes.
Abdellah Ben Mlih est l’un de ces guerriers. Son livre aurait pu s’intituler la résistance en temps de confinement. Politologue, l’auteur aurait pu nous servir une analyse avec une grille barbante. Et c’eût été dommage. Mais Ben Mlih est de Moulay Idriss où la sagesse est grande et il a choisi de se battre autrement. Il a enfilé sans hésiter des gants de velours pour résister.
Dans ses « Chroniques vagabondes », quelques grands auteurs ne sont pas loin. L’ombre de Socrate s’invite, au détour d’une pensée, pour faire le point sur la maïeutique, mais l’auteur, avec une légèreté de rat d’opéra, retombe sur ses pieds et ne se laisse pas enfermer dans le carcan d’une logorrhée savante. Il « s’autorise une dose de légèreté et de dérision dans le regard porté sur une réalité tragique ».
Ses chroniques commencent un jour de mars, le cinquième jour de cette réclusion collective, et s’achève un mois plus tard. Soit le 11 mai 2020. Ben Mlih évoque, quoi de plus normal, la découverte de l’inédit, les risques de dérive autoritaire, la cohabitation, le désir de liberté, la vieillesse, l’économiste, la sagesse, le moteur et le cours de l’histoire, mais aussi … les yeux de la caissière masquée qui sèment le trouble…
C’est l’un de nous qui parle. C’est quelqu’un comme vous et moi qui a pris « de multiples résolutions pendant cette période de confinement: planifier sa journée autour d’activités intellectuelles, créatives, culinaires, physiques et musicales ». Mais les jours passent et le chroniqueur, enfermé dans son mirador, n’en voit pas la fin.
Mais qui a dit bon sang que le confinement avait une fin? Qui ? Levez le doigt, vous qui croyez depuis le début, que les eaux vertigineuses de cette folle et planétaire histoire ont une fin !
Il reste l’humour, cette politesse du désespoir, pour faire front contre le pire et proposer une balade spirituelle afin de traverser l’époque en prenant le temps – il n’y a pas d’autre alternative- de considérer avec sagesse le monde qui défile sous les yeux.
K.M. Ammi
« Chroniques vagabondes » de Abdellah Ben Mlih, 200 pages.