La conception d’une culture ne doit pas être conçue comme un patrimoine réservé à une classe, fatalement orienté vers une castre ou à une élite. Elle n’aura d’intérêt que lorsqu’elle impliquera tout un chacun.
Dame culture serait hémiplégique. La sève en a été confisquée. On ne peut rendre responsable telle ou telle officine. Notre particularité a été lourdement sanctionnée par les infortunes qui nous ont empêché d’aller à un développement culturel que nous méritons. Elles ont été dans leur contingence aveugles et stupides à la fois. Résultat, rien n’y palpite, nul n’y habite. Nous sommes victimes d’un choix obscur qui nous a fait glisser vers une fatalité que nous ne pouvons nous permettre. Nous sommes passés en long du temps avec pour simple chant: le droit d’être, arboré comme une revendication solitaire, mais âpre, tenace face à un système qui ne désarme point, et qui envoie ses spirales de fumée qui ne font qu’attiser les nerfs optiques. Elles ne nous empêchent pas de sentir le besoin d’y faire face, de construire à partir d’un profond diagnostic nous préparant à une activité intellectuelle active.. Nous n’en pouvons plus d’un certain mutisme qui a fait de certains parmi nous des désespérés enténébrés et durcis, claquemurés dans un ghetto de pensées. Nous vivons dans un désert culturel et son indigence reste terrifiante. Notre vindicte éclaire crûment cet univers anachronique qui se joue de nos aspirations profondes, de nos valeurs que nous expions en silence en sachant qu’il n’y a aucune possibilité de rémission. Nous rêvons d’une culture qui soit affaire de tous. Elle reste pour les têtes molles encore un mot barbare ouvertement caustique. C’est à la faveur de cette expression qu’on découvre la muraille qui a été érigée à des fins funestes. A chaque élan, la réponse tient du mépris, engageant un sentiment de frustration indescriptible. Nul n’ignore que l’aspiration à la culture conduit à la liberté qui affranchit l’homme des moules où on veut le tenir corseté. L’ouverture au monde semble déranger, fustigée pour ce qu’elle apporte d’extra-territorial qu’on refoule ou qu’on censure. Les parades ont fini pour tout folkloriser, banaliser, ignorer jusqu’à ce qui fait sens. La revanche du vil s’exprime à tous les niveaux: dans l’art, dans la littérature, dans la pensée. Elle devient de plus en plus tangible. Tout est formaté au nom de quelques formules toutes faites, tirées d’un instinct coercitif faisant réagir déraisonnablement. On ne communique réellement plus. On ne communie sereinement plus. Le trait d’union qui nous relie aux autres est ankylosé de telle sorte qu’on ne reçoit plus de l’autre en retour ni son épanouissement ni sa pensée, encore moins son empathie. Il résulte de tout cela une représentation gravement atrophiée.
Les moyens de se cultiver en dehors des livres et des magazines sont pratiquement absents ou agonisants comme la musique, le théâtre ou le cinéma qui pouvaient être sources de réflexion en même temps que foyers de plaisirs esthétiques….Car il faut bien l’admettre, il y a belle lurette que nous n’attendons plus rien de la télévision, de la radio. Que dire présentement des réseaux sociaux qui se complaisent dans le sensationnel de bas étages, et qui restent d’une pauvreté si indigeste qu’elle ne fait plus sourire. Il reste à développer les moyens d’expressions en termes de projets porteurs de conscience. Nous sommes en droit d’attendre de ces projets les valeurs auxquelles nous sommes attachés. Et l’on sait qu’elles ne peuvent se construire qu’à partir d’une volonté politique concrète. Pour l’instant, la culture est le privilège d’une minorité, et celle-ci a presque honte d’en être la récipiendaire Qu’importe si l’on envisage de servir une autre par paliers, celle qui peut fédérer. L’essentiel est qu’elle soit inscrite dans un programme émanant d’une politique culturelle sérieusement discutée pour en saisir les résonances profondes de notre environnement qui reste méconnu, voire infantilisé. Nous ne sommes ni pour une culture bourgeoise ni pour une autre qui soit populaire. Nous souhaitons une culture qui tienne compte de notre dignité d’homme. Le chemin sera long, mais il vaut la peine d’être entamé de la façon la plus claire. Sa spécificité intéresse notre capacité à se penser en tant que tels, et par conséquent à se projeter, à évoluer. Un regard rétrospectif sur les trois dernières décennies montrera un jour la faillite de tout un système. Les obstacles auxquels les générations précédentes se heurtaient étaient bien ancrés dans le système social lui-même. Ni bibliothèques, ni centres ni non plus d’agoras où l’on peut apporter sa contribution et se nourrir de celle de l’autre. L’accès à la culture rencontrait des limites intolérables. Comment pouvait-on alors éveiller la curiosité et pousser à l’interrogation? Ce qui est paradoxal, c’est de se retrouver aujourd’hui au creux de la vague, presque avec les mêmes problèmes. On accède à l’université et aux grandes écoles sans avoir lu un seul ouvrage dans sa vie. Nous ne voulons pas dire que la lecture, à elle seule, peut faire compenser l’indigence qu’on connait. La culture générale personnelle intervient incontestablement dans la façon de se constituer un capital. Bien entendu, l’inégalité culturelle est inséparable de l’inégalité sociale. On nous l’a assez répété, d’où la nécessité de répondre aux aspirations de toutes et de tous en engageant en option un modèle culturel qui prendrait en compte cette équation. Cela nous éviterait à la fois les utopies et les chimères d’un côté, et de l’autre les désespérances qui peuvent se traduire en pessimisme; celui-là même qui abrutie, neutralise, endort et rend passif.
La conception d’une culture ne doit pas être conçue comme un patrimoine réservé à une classe, fatalement orienté vers une castre ou à une élite. Elle n’aura d’intérêt que lorsqu’elle impliquera tout un chacun. Celle que nous pressentons devra se préoccuper de ce qu’elle voudrait être et devenir. Les obstacles d’ordre matériels qui peuvent faire barrage doivent être nivelés. Le mécénat doit être mis à contribution. La mise en valeur de toutes les ressources et les potentialités seront d’une nécessité fondamentale. Tout cela constitue des objectifs aisés à atteindre. Il faut tout simplement le vouloir en dévitalisant le politique, l’idéologique et les intérêts calculés à l’aune du lucre. La tache de l’heure est de s’y atteler avec conviction et ainsi faire un pied de nez à l’exclusion. Donnons à voir!Donnons à rêver à tous les étages! Cela sera notre sacerdoce qu’accompagneront de grands moments d’émotions. L’enfièvrement des esprits récompensera l’effort qui s’exaltera en force immanente. L’heure n’est pas à détailler, mais le maillage doit s’étendre à d’autres échelles qu’il n’est pas utile d’énumérer. Les faits assez fragmentaires évoqués ici ne sauraient autoriser une conclusion qui ferait fi de la possibilité d’accès à de vastes horizons où l’esprit pourrait trouver son achèvement, sa liberté de penser et de juger. La culture est l’affaire de tous. Un point de vue de simple adhésion ramènera ciel ouvert la divine conscience aux effets de résonance lucide. Et ce ne sont pas les salons du livre -qui sont une mascarade- qui peuvent changer la donne. Un peu de professionnalisme nous changerait de la cacophonie qu’on subit. Le livre mérite mieux.
Nul n’ignore que l’aspiration à la culture conduit à la liberté qui affranchit l’homme des moules où on veut le tenir corseté.
A bon entendeur salut!
