Driss Chraïbi Rebelle, Pitre et Vagabondant
En 1945, le baccalauréat en poche, Driss Chraïbi part en France poursuivre ses études.
Driss Chraïbi : un homme simple et une figure d’écrivain mythique. Pour lui, le principal était le livre et la lecture : il lui est arrivé de planter le journaliste qui l’interviewait à l’occasion de la parution de son dernier roman, et ce dès qu’il s’est rendu à l’évidence que celui-ci n’a pas lu l’ouvrage…
A la fin du Passé simple, publié en 1954, Driss Chraïbi part en Europe, à la recherche d’idées neuves pour changer l’ordre conservateur établi. En 1945, le baccalauréat en poche, Driss Chraïbi part en France poursuivre ses études. Il va passer les premières années d’après guerre en fils de famille bourgeoise, étudiant choyé se permettant d’avoir son rond de serviette au restaurant Capoulade, alors que la population française passait des moments difficiles, dans un Paris qui sort de guerre. Lui conduisait une voiture américaine (sans permis de conduire), fumait oncle Sam et jetait sa gourme. Cette vie aisée ne va pas durer : Après un petit tour en faculté de médecine, il fréquente l’Ecole supérieure de chimie de Paris. Ces études terminées, il choisit de ne pas retourner au Maroc où son père l’attendait sous la figure du fils qui avait pour mission de continuer la lignée, et d’asseoir en la modernisant, comme l’exigeait l’époque, l’image sociale de la famille Chraïbi. Plutôt que d’avoir un nom de famille, de répondre présent au désir opportuniste de son père et de devenir un fils béni éteint par la pression sociale et par l’héritage, dans une société dont il a fui le conservatisme et les pressions normatives oppressantes, Driss Chraïbi a préféré tourner le dos à un présent confortable et appliqué, et à l’avenir tracé qui s’annonçait trop prévisible et étouffant, afin d’être pleinement lui-même.Cette rupture avec son milieu familial a signifié la fin brutale des transferts d’argent paternels, et donc devoir vivre de privations et d’expédients. Driss Chraïbi a dû dès lors exercer nombre de petits métiers : Veilleur de nuit, photographe ambulant, professeur particulier d’arabe, débardeur, démarcheur en assurances, etc. Cela change radicalement le cours de sa vie et le rapproche de ses « frères » immigrés maghrébins qu’il côtoie dorénavant. Ils vont adopter cet étudiant qui a mal tourné et lui va tellement être touché par la misère et les humiliations qui composent leur vie, et par leur inexistence sociale dans une France ingrate, que cette expérience va se cristalliser dans un texte, Les Boucs (1955), premier roman consacré à l’immigration des travailleurs « nord-africains » en France, encore aujourd’hui indépassé et d’une actuelle et saisissante vérité : « Je ne dirai jamais à ceux qui : sont restés en Afrique mais que travaille comme un ténia le mirage de l’Europe, d’y expédier simplement leurs souliers : tout ce que peut faire un Bicot en Europe : marcher – à la recherche du bonheur ; non plus, ne leur dirais qu’un palmier-dattier s’atrophie et y meurt beaucoup moins de gel que des restrictions d’air, de vie, d’espace, de temps, de soleil, d’amour – tout comme un enfant de la terre fait de chair, d’os et d’instincts (et de rien d’autre) ; ou qu’au préalable, ils y amènent leur moi, leur espace, leur soleil… ; ni que la propagande livresque, journalistique ou philosophique ne vaut que ce qu’elle vaut : affirmation issue du doute. Non, je ne leur dirais rien de tout cela. Ils ont d’autres yeux que les miens, d’autres nerfs, d’autres bonnes volontés » (Les Boucs, édition Denoël, pp. 96-97). La violence du ton et du style de cet ouvrage, sa composition disent le racisme et la haine subis par la foule des immigrés, ainsi que la souffrance du protagoniste et sa révolte de voir ces êtres déracinés
parqués et dégradés au pays de Victor Hugo et de Voltaire, confrontés au fossé incommensurable entre les valeurs prônées par la République française, et ses grands écrivains, et la réalité quotidienne vécue par les immigrés en France (Les Boucs) ou subie par les colonisés chez eux (Le Passé simple). En effet, ce roman iconoclaste et scandaleux dénonce autant le colonialisme français que les archaïsmes de la société marocaine. Il a dérangé et suscité une levée de boucliers des deux côtés de la Méditerranée : De la droite française et des « intellectuels » et « politiques » marocains du journal Démocratie. Dans Le Passé simple, il a osé l’impensable : Démonter et étaler les rouages de ce qu’il a appelé la « colonisabilité » (immobilisme et coutumes inadaptées, pharisaïsme religieux, repli sur soi, conservatisme et hypocrisie sociale, oppression des uns par les autres, etc.). D’où l’ « affaire du Passé simple » pour bâillonner cet empêcheur de tourner en rond dans la conjoncture de l’Indépendance, en un temps où tous croyaient encore en des lendemains qui chantent, et où les colonisés ne pouvaient se concevoir que comme victimes irréprochables face à un colonisateur mal absolu et source exclusive de tous les maux. C’est ainsi qu’en 1957, Chraïbi a été acculé à renier ce texte d’une iconoclastie alors insupportable, ce qu’il a fait momentanément : Le groupe était trop unanime et les pressions trop fortes.
Ecrivain précurseur
C’est sous les auspices de la dénonciation et de la transgression que va se dérouler l’œuvre protéiforme de Chraïbi. De par sa thématique et son écriture, Le Passé simple signe l’irruption de la littérature marocaine et maghrébine dans la modernité et dans le patrimoine littéraire mondial. C’est la première fiction où le personnage principal s’affirme en tant qu’individu, en tant que « je » qui va à l’encontre de tout ce qui est traditions et valeurs du groupe sclérosées, patriarcat et famille élargie (la volonté du Seigneur est indiscutable), pouvoir établi et pression sociale et communautaire normatives. Avec ce chef-d’œuvre qui fait date, Chraïbi rompt avec l’ancien monde et lève un vent de contestation et de révolte qui va faire bien des émules. L’auteur est devancier, et il ne va cesser de l’être. En effet, il a fallu attendre une quinzaine d’années pour que d’autres romanciers maghrébins reprennent cette veine (: La Répudiation, 1969, et L’Insolation, 1972 ; ou Abdelhak Serhane : Messaouda, 1983) ; vingt ans pour que le sort des travailleurs émigrés, thème de son second roman (Les Boucs) se retrouve sous la plume de Rachid Boudjedra (Topographie idéale pour une agression caractérisée, 1975) et de Tahar Ben Jelloun (La Réclusion solitaire, 1976). C’est un filon romanesque encore et toujours florissant aujourd’hui. Chraïbi a été le premier à avoir eu l’audace de sortir des sujets régionalistes et, ce faisant, avec Un ami viendra vous voir (1967), il a ouvert la route aux œuvres similaires d’Abdelkébir Khatibi (Un été à Stockholm, 1990) et de Mohamed Dib (L’Infante maure, 1994) : Ce roman met en scène des personnages occidentaux face à la société de consommation. Cette lignée thématique donne complètement tort a posteriori à Salim Jay qui annonçait alors, dans un article outrancier, « la mort de Driss Chraïbi », du simple fait que celui-ci s’ouvrait à l’humanité de ce qui pouvait paraître alors altérité culturelle radicale et trahison de soi à qui s’arrête à la superficialité des petites différences passagères. La société de consommation ne remplit-elle pas aujourd’hui les rayons des commerces du Maghreb et n’envahit-elle pas les écrans de ses chaînes de télévision ? Et les communicateurs médiatiques n’y sévissent-ils pas ? Puissante et visionnaire, l’œuvre de Chraïbi nous parle d’au-delà de l’appartenance nationale ou géographique, d’où sa dimension universelle. Pour cela même, il refuse les étiquettes particularistes qui assignent l’écrivain à un territoire et à une identité bridés. La dimension réductrice de la formule « écrivain maghrébin d’expression française » l’agace. On pourrait continuer longtemps ainsi : Toujours en avance sur son temps et inventeur de formes nouvelles, Chraïbi s’est magistralement essayé à bien des genres et à bien des écritures. Il a ouvert bien des voies aux littératures du Maghreb : Le récit philosophico-mystique (L’ Âne , 1956), la satire ubuesque (La Foule, 1961) qui donne forme à une projection prophétique du devenir décevant des pays du tiers monde nouvellement indépendants, le roman historique (Naissance à l’aube, 1986 ; La Mère du printemps, 1982) ou policier (la série des « Inspecteur Ali ») et les mémoires (Vu, lu, entendu, 1998 ; Le Monde à côté, 2001) où la réalité des événements passés est revisitée par un imaginaire débordant qui leur donne tout leur sens. L’« enfant terrible » de la littérature marocaine est donc un pionnier qui, mine de rien, n’a cessé d’innover en matière de thèmes, de rêver le monde, de se confronter à la vérité de l’être, de travailler à se connaître mieux et à identifier ce qui fonde la vie et lui donne sens, au-delà de la respectabilité, des avoirs et du paraître social qui leurrent et divertissent.
Homme libre
L’inadéquation de Driss Chraïbi au monde tel qu’il est, sa recherche de l’essentiel et son discours de vérité, qui est à rebours des représentations lénifiantes, expliquent sa vision du monde, ses dénonciations et ses anticipations. Mais, ne vous méprenez pas, l’esprit de sérieux est aux antipodes de cet écrivain. L’humour est son arme privilégiée : Sa verve est de vitriol ravageur pour la critique sociale (Le Passé simple), de cocasserie décapante pour la charge (La Foule), d’espièglerie tendre pour le rêve éveillé (La Civilisation, ma Mère !..), de flamboyance épicurienne pour l’épopée (Naissance à l’aube ; La Mère du printemps) et de truculence roborative pour les enquêtes loufoques de son farfelu inspecteur Ali qui, sans sembler y toucher, en disent long sur l’état du monde, les rapports de force et les relations internationales à qui prend le temps de lire et de décrypter ces textes drolatiques (L’Inspecteur Ali et la CIA, 1996 ; L’Homme qui venait du passé, 2004). A l’image de certains de ses personnages, Driss Chraïbi est un franc-tireur. Pas “intellectuel’’ pour deux sous, l’homme est un enfant terrible qui enfile vérités et galéjades, pour le plaisir ou pour décontenancer son interlocuteur. Il utilisait souvent le mot-valise « insectuel » pour se moquer de ce statut. Il disait de lui-même : « Ce visage grave et sérieux d’intellectuel à bretelles me pose des questions auxquelles je n’ai jamais su répondre de science certaine ». Chraïbi n’avait pas l’habitude de jouer le jeu des feux de la rampe et il a fui comme la peste, sa vie durant, la fausseté et l’artifice des salons littéraires et des milieux intellectuels, leur préférant la fréquentation des gens simples et sans vanité et leur vérité brute : Il est resté en retrait du grand monde tout en se nourrissant de réalité et d’actualité au quotidien. Au plus profond de son retrait du monde, Chraïbi ne s’en est jamais désintéressé. C’était, en effet, un auditeur assidu des bulletins d’information radiodiffusés (il a refusé très longtemps d’acquérir une télévision, et il a fallu la ténacité cumulée de ses derniers enfants pour le faire céder). C’est aussi un lecteur invétéré de la presse d’analyse (notamment du Monde, du Monde diplomatique et du Canard enchaîné, même s’il n’a jamais dédaigné la lecture de la presse régionale). Ses lectures littéraires variées sortaient le plus souvent des sentiers battus : Grand liseur, il avalait aussi bien des textes classiques ou d’écrivains de grand talent (souvent des peu connus qu’il peinait à obtenir et qu’il aimait découvrir et faire découvrir), que des livres de toutes sortes et qualités que le hasard mettait à portée de sa main. Même s’il a toujours évité les grandes villes et qu’il a choisi d’habiter des endroits excentrés et retirés (Labaroche, île de Ré, Fontenay-le-Fleury, île d’Yeu, El Jadida, Crest, etc.), il n’est pourtant pas misanthrope. Déchiré entre des désirs de retrait et de participation au monde, sa vie est un long et toujours recommencé apprentissage du renoncement et de la rupture. Sa simplicité, son humanité, sa faim de certitude et ses doutes lancinants, son amour de la vraie vie et des vrais gens, de la lumière, de l’eau, de la terre et des plats de son enfance, ont nourri son œuvre. Assoiffé d’absolu, Driss Chraïbi dit n’utiliser les mots que comme pis aller. Pour exprimer le vif de l’émotion, il rêve d’une écriture musicale. Les portées de musique, la polyphonie et les indications et références qui truffent ses textes romanesques témoignent du fait que c’est un mélomane averti et éclectique (la musique symphonique classique et orientale : Debussy, Bach, musique andalouse ; la voix : Oum Kalthoum, Mohamed Abdel Wahab, Abdelbast Abdessamad ; le luth : Mounir Bachir, Omar Naqishbendi, etc.). Il a fait trois ans de piano lors de son séjour en Alsace et a été tenté un moment de devenir compositeur de musique plutôt qu’écrivain. Pour lui, écrire un nouveau livre a toujours impliqué de trouver la petite musique qui le spécifie, d’où une constante exigence au niveau de l’écriture et la variété des tons qui caractérisent son œuvre. Cet aspect de sa production est particulièrement riche et remarquable dans son important travail d’homme de radio (de 1957 à la fin des années quatre-vingts, soit plus de trente ans), mené de pair avec son œuvre littéraire et qui interagit avec son écriture : Il a pris plaisir à en jouer sur les ondes de France III, qui deviendra France Culture à partir de 1963, comme maître d’œuvre d’une centaine d’émissions : Séries culturelles, dramatiques et adaptations radiophoniques de ses œuvres ou celles d’auteurs, célèbres ou peu connus, provenant de tous les horizons (Afrique francophone et anglophone, Amérique, Angleterre, Europe de l’est, Moyen-Orient, etc.).
Mystique hétérodoxe
Chraïbi a longtemps étudié les grands mystiques musulmans. Dès ses débuts, il a produit nombre d’émissions radiophoniques sur les mêmes ondes consacrées à l’islam et aux grands mystiques musulmans (notamment, les séries « Connaissance des mondes : Islam et Occident », 1959-1960 ; « Musique islamique contemporaine : Le Verbe coranique », 1963 ; et « Résonances spirituelles : Ghazali, Al Hallaj, Imam Malik, Mohamed, etc.», 1957-1966). Mystique hétérodoxe, attiré par l’esprit et l’incantatoire du texte, plus que par sa lettre, Chraïbi fait peu cas de l’observance du culte et de sa pratique. En ce sens, c’est déjà au nom d’un islam spirituel non dégradé qu’il s’attaque dans Le Passé simple à l’islam profane englué dans le formalisme et le souci de respectabilité, instrumentalisé pour couvrir toutes les hypocrisies des tenants de l’ordre établi. Après avoir bouleversé les esprits, les écrits chraïbiens remuent les âmes : Ils grattent toujours où ça démange, c’est ce qui déroute et les rend si insupportables à nombre de ses contemporains. Chraïbi saisit et épingle ce qui de nos structures culturelles vise à faire de nous des êtres d’obéissance et non de désir. Qu’il traite de la famille ou de la religion, il déconcerte.
Après les gesticulations sacrilèges du Passé simple qui ont marqué et marqueront durablement les lecteurs de leur violence jouissive et inaugurale, il s’attaque au réductionnisme simpliste qui ne veut voir de l’islam que son détournement temporel : Il montre avec Naissance à l’aube et L’Homme du Livre (1994) que la mythologie religieuse peut être maniée comme une charge dynamisante apte à dynamiter enfermements et dogmes. L’Homme du Livre, chef-d’œuvre méconnu de l’auteur, imagine l’histoire de la naissance de l’Islam. Il fallait du cran pour écrire sur ce sujet, et tout particulièrement après l’affaire Salman Rushdie. Driss Chraïbi a mis dix ans et fait plusieurs tentatives avortées avant d’arriver au terme de l’écriture de cet ouvrage, parce qu’il lui a fallu en trouver la musique et l’angle d’attaque susceptibles de lui permettre d’aller au bout de l’élaboration de ce brûlot : S’intéresser non au Messager mais à l’homme. Il a choisi d’écrire le récit de ce qui a précédé la Révélation et qui lui donne sens. Ses éditeurs habituels, Denoël et le Seuil, n’osèrent pas le sortir : J’ai moi-même apporté en main propre, à l’éditeur marocain qui l’a publié, le manuscrit de cette œuvre finalement parue en co-édition EDDIF-Balland. Les textes qui envisagent ‘‘les tenants et les aboutissants’’ d’une civilisation (Naissance à l’aube, La Mère du printemps et L’Homme du Livre, en particulier) ont aussi gêné au moment de leur parution, car ils ont sonné à l’oreille des intellectuels militants maghrébins comme une régression. Résurgence d’autant plus intolérable que la dimension spirituelle du Passé simple a été obstinément occultée, car tabou suprême, par la génération d’après l’Indépendance issue du moule de la laïcité pure et dure, incapable de percevoir et encore moins de comprendre l’itinéraire d’un Chraïbi mystique : Son expérience spirituelle, mêlée d’une sensualité et d’un amour de la vie et de la terre païens, n’est pas une posture intellectuelle ou littéraire (ce qu’elle est magistralement chez des écrivains comme Abdelkébir Khatibi ou Abdelwahab Meddeb), c’est la marque d’une exigence qui taraude l’homme depuis toujours, ses migrations, son retrait du monde et son détachement des choses de ce monde, sa rigueur éthique et scripturale en rendent compte. Après avoir fait l’expérience de la spiritualité (L’ Âne ; De tous les horizons, 1958 ; L’Homme du Livre), du pouvoir politique (La Foule), du retour au pays natal et de la filiation (Succession ouverte, 1962), du savoir et de la thérapie (Un ami viendra vous voir), de l’utopie (La Civilisation, ma Mère !..), de l’amour passion (Mort au Canada, 1975), du retour aux sources (La Mère du printemps ; Naissance à l’aube), Chraïbi tourne le dos à l’emprise des thématiques graves et finit par un rire hénaurme : le ton badin et les facéties de l’inspecteur Ali. Du fait d’un besoin singulièrement prégnant d’idéal et d’absolu qui a alimenté toute son œuvre, et du choix précoce de la subjectivité et de l’individualisation qui en a découlé, à un moment où la loi du groupe et l’acceptation de passer sous le joug de la pression sociale du collectif sont une norme commune, Driss Chraïbi est un anticonformiste défricheur qui a produit une œuvre variée et multiforme. Ce n’est qu’en janvier 1985 que Chraïbi va dépasser ses appréhensions et réaliser son vœu le plus cher : Rentrer au Maroc après son très long exil volontaire. Ce fut fait à l’occasion des manifestations culturelles organisées par les éditions du Seuil, pour fêter leur cinquantenaire. Pour la jeune génération, c’était un mythe vivant qui rentrait au pays : Les amphithéâtres étaient bondés lors de la tournée qu’il a effectuée dans plusieurs universités marocaines. Et, pour la génération précédente, le retour de l’enfant prodigue. Après deux courts séjours qui lui ont donné envie de revenir vivre au pays, il va même choisir de résider, en famille, à El Jadida, sa ville natale, pour retrouver les harmonies qui l’ont marqué à vie (l’eau et la lumière de la capitale des Doukkala où il est né le 15 juillet 1926). Cette lune de miel ne va durer que près de deux années, car le réel s’est vite avéré déceptif, du fait que les attentes nourries à la nostalgie ne peuvent qu’être excessives. Indéfectiblement attaché à la terre de ses origines, Driss Chraïbi, décédé à Valence le 1er avril 2007, avait signifié son souhait d’être inhumé à Casablanca, la ville de son enfance, dans le même cimetière que son père et non loin de lui. Souhait exaucé : Le grand homme est enterré au cimetière des Chouhadas.
Par Kacem BASFAO
Universitaire et chercheur associé au CNRS (Irenam d’Aix-en-Provence). Commissaire scientifique de l’exposition Écritures du Maroc présentée en 2001 à Paris, à l’Institut du Monde Arabe, il a soutenu en 1989, à l’université de Provence, un doctorat d’État, consacré à l’œuvre de Driss Chraïbi.