Première femme maire de Clichy -Sous- Bois où la moitié de la population a moins de 29 ans, Samira Bouhout Tayebi rencontre au quotidien des jeunes vulnérables et souvent confrontés à la précarité. Le meurtre de Nahel a été tragique. Dans cet entretien accordé à BledNews, Samira Bouhout s’exprime sur le drame du jeune Nahel mais lance aussi et surtout un message d’espoir.
BledNews: Vous êtes maire de Clichy. Quelle est la proportion des habitants d’origine maghrébine et peut-on y parler de précarité?
Samira Bouhout Tayebi: Notre constitution interdit la conduite d’études sur la mesure de la diversité. Notre République garantie l’égalité de ses citoyens sans distinction d’origine de race ou de religion. C’est pourquoi les données ethno-raciales sont interdites en France.
Ainsi il est impossible et interdit de quantifier les habitants en fonction de leurs origines.
A Clichy-sous-Bois 50% de la population a moins de 29 ans, or les jeunes font partie des catégories de population les plus vulnérables. Une partie d’entre eux est en effet touchée par la précarité mais aussi par d’autres difficultés (garde d’enfants, formation, insertion, prévention des risques, etc.).
. Le tragique événement de Nahel a mis en exergue, encore une fois et si besoin en était, le racisme au sein des forces de l’ordre. Comment ont réagi les jeunes de Clichy? Quels sont les sentiments qu’ils ont face à de tels événements qui les concernent aussi en définitive?
. SB: Le décès du jeune Nahel est tragique. J’aimerais exprimer mes plus sincères condoléances à sa famille. Ma peine et ma solidarité s’expriment également en direction de toutes celles et ceux qui ont été victimes des scènes de violences intenses exprimées dans plusieurs villes de France, à l’image de l’attaque du domicile du maire de l’Hay-les-Roses.
Cet évènement est le fait d’un homme et je salue les propos de la mère de Nahel lorsqu’elle affirme en vouloir à une personne et non à la police.
. Parleriez-vous d’un échec des politiques publiques caractérisées par la marginalisation de certaines populations?
SB: La politique de la ville nous a permis de faire beaucoup de choses à Clichy-sous-Bois, il y a 20 ans, nous n’avions pas de commissariat, de tram, de square, de bibliothèque…nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs, notamment en direction de la jeunesse:
Financements de BAFA, de permis de conduire, bourses coup de pouce, école live, cuisine mode d’emploi, les colos apprenantes…tout cela ça a des effets très concrets sur le vie des gens ! Tout cela a porté ses fruits et condamner la politique de la ville serait un non sens.
Mais l’effort doit être maintenu, c’est un travail de long terme et il nous faudra engager un travail plus fin dans plusieurs domaines tels que la mobilité, les relations police-jeunes, la rénovation des copropriétés dégradées etc.
. Qu’offrez-vous aux jeunes de ces nouvelles générations? Comment faire en sorte de leur donner de l’espoir et surtout croire en un avenir prospère? Quel serait votre message?
SB: Notre ville a tenu à organiser cette année des assises de la jeunesse permettant aux jeunes Clichois d’exprimer leurs attentes à travers une grande consultation. En effet, nous avons trop souvent tendance à considérer que la parole légitime rime avec l’expérience. C’est une erreur, l’expression d’une opinion, d’une idée, est à tout âge justifiée.
Faire participer plus et mieux les jeunes habitants de nos villes à la prise de décision publique, c’est pour cela que l’on a créé l’Assemblée de la Jeunesse Clichoise. La participation citoyenne n’est pas une participation de « façade ». Tous les moyens pour rétablir le dialogue entre les pouvoirs publics et la population, notamment les plus jeunes sont à prendre en considération. Et s’exprimer c’est une porte d’entrée vers l’engagement, vers le fait d’oser avoir une vision pour la société dans laquelle on vit, pour sa ville.
Propos recueillis par A.D