Dernier acte d’une vie en immigration, la mort au loin. Alors que l’actualité s’intéresse à l’intégration voire l’immersion dans les pays d’accueil, la mort vient rappeler d’où l’on vient. Nombreux sont ceux qui émettent le souhait, formel, d’être enterré dans la pays d’origine et le Covid a montré combien cette question est importante. Une rencontre prévue à Blois le 7 octobre prochain en parlera. Omar Samaoli, gérontologue et expert en la matière, qui doit y intervenir, a répondu à nos questionnements. Interview.
BledNews: Vous parlez de “mort en terre étrangère”: la différence est de taille. Si vous deviez, très brièvement, en décrire les principales caractéristiques, ce serait quoi ?
Omar Samaoli: Au fond ici une précision de taille serait utile. Je parle de la mort observée à partir de la trame centrale qui est l’immigration. Si nous venons à examiner l’éventualité de mourir dans l’immigration, c’est surtout parce que doucement et pour de multiples raisons beaucoup de personnes se sont « déliées » de la perspective du retour qui était un pilier central du projet migratoire. En résumé, la mort au loin est une mort foncièrement inquiète et chargée d’angoisse. Je ne sais pas si nous pouvons parler d’enracinement qui rendrait la mort au loin acceptable, je pense que ce sont les transformations sociales et familiales dans l’environnement de l’immigré lui-même qui nous amènent aujourd’hui à parler de cette question.
. Le Covid a mis le zoom sur cet aspect de la mort en terre étrangère. …..des gens qui ont exigé à leurs familles d’être enterrées dans leur pays d’origine, des jeunes qui voulaient absolument exaucé les vœux de leurs parents…
OS: Le Covid a fait voler en éclats tous les « arrangements » que les gens ont mis en place pour rendre la perspective d’une mort au loin acceptable. Les règles sanitaires mises en place ont fait peu de cas des aspirations des gens d’une mort célébrée, accompagnée. Plus dommageable encore, la mort étant une affaire des vivants et non plus des morts eux-mêmes, ce sont les vivants qui se sont retrouvés dans l’impossibilité d’exhausser le vœu ou la promesse d’un retour d’un défunt sur sa terre natale. Beaucoup de gens portent en eux une culpabilité mais dont ils ne sont pas responsables mais cela est une autre histoire qui mérite d’être entendue, écoutée et accompagnée au long court.
. Et les pays d’accueil dans tout cela… les pays d’adoption : l’attitude face à la mort est aussi une forme criarde de discrimination.
OS: La réponse des pays d’accueil aux inquiétudes ou aux aspirations des gens pour une mort apaisée sont encore insuffisantes et cela ne peut pas se limiter aux invitations par circulaires administratives faites aux communes pour réserver des emplacements dans les cimetières par exemple aux populations musulmanes qui le souhaitent.
Propos recueillis par Amale DAOUD