Pour BledNews, l’écrivain, romancier, essayiste et poète, Kebir Mustapha Ammi, rend hommage à son ami, Mohamed Loakira, disparu le 13 décembre à l’âge 78 ans .
Mohamed Loakira a vécu avec une extrême délicatesse. Discret et pudique, il a su ouvrir une formidable brèche dans la poésie. Dans son infinie solitude, le poète a forgé une langue et cette langue, semblable à un aveu obtenu de haute lutte, a généré une grande œuvre. C’est cette esthétique, comme aveu d’une langue, qui donne sa raison à la poésie de Mohamed Loakira.
Son inspiration était profonde et singulière. Lucide et désespérée. Elle disait des blessures qui sont les nôtres et celles de notre temps.
Le poète qui a consacré toute sa vie -et son souffle- à creuser un sillon que seuls de rares élus savent laisser derrière eux, était fait d’exigence et de fraternité.
Je l’ai découvert avec « Marrakech », écrit dans les années 70. Puis il est devenu incontournable. Il nous appartient de partager son oeuvre avec ceux qui ne la connaissent pas pour lui donner la place qu’elle mérite.
Secret, l’œil aigu et ironique, mais sans être distant, derrière ses petites lunettes blanches, Si Mohamed se battait avec des ombres au fond de lui pour trouver ou retrouver une nuance de couleur, un souvenir…. Il avait toujours le souci d’être au plus près de lui-même. Et cela, chevillé à son âme, ressemblait, on le sentait, à une âpre bataille dont il s’efforçait de ne rien laisser voir. Je me souviens de ses grandes mains et de cette gêne, comme une timidité, qui entravait par moments ses gestes quand il ne trouvait pas le mot juste pour exprimer sa pensée.
C’est un immense poète qui s’en va. Mais son souffle restera. Inégalé et persistant. Obstiné. Pour nous rappeler que les grands poètes ne partent jamais vraiment. Car rien ne leur résiste. Leur âme est taillée dans l’obsidienne.