Culture

L’artiste Lahcen Farsaoui : La quête de soi

Sa démarche s’inscrit dans une quête perpétuelle d’un style singulier.

Dans les toiles de l’artiste Lahcen Farsaoui, le texte est une donnée picturale essentielle. Il est au fond, et il prend malgré cela une place de choix, comme s’il est fondateur de ce qui l’entoure, de ce qui va être mis à la disposition du regard.

 

Pas n’importe quel texte. Mais celui en lien direct avec le mysticisme fait de mots, de citations, celui qui élève l’âme vers les sphères de la réalisation unique, de l’unité avec l’univers des aspirations autres que matérielles et rigides. Le texte ici se dote à chaque fois d’une couleur dans son emplacement, toujours différent sur la toile qu’il investit de son ampleur. Il est unique ou double, offert comme un tout, même séparé. Dans les contours de l’unité, le texte mouvant épouse le mouvement du monde. Et le suit dans l’émerveillement qui est sien. Lisible ou non, moyennant un effort de  concentration louable, il nous imprègne à fond. On ne se lasse jamais de le regarder et de se poser des questions à son propos. Il est texte infini. Vu qu’il puise sa réalité du texte du sacré.

D’autant plus qu’il est un élément plastique, certes dominant, mais que l’artiste fait baigner dans un ensemble pictural enrichi de tant d’autres éléments qui lui donnent le change pour ainsi dire, par ce qu’il suggère, par

ce qu’il signifie. Lettres de l’alphabet arabe, des points  carrés propres à certaines lettres comme ن  ou ث , des éléments figuratifs, et surtout de grands traits/taches, bruns la plupart du temps, ayant cette couleur du « smagh » de nos encres ancestrales avec laquelle s’écrivait et les textes et les poèmes que ce soient du madih ou d’amour. Ce qui ajoute un mouvement autre dans la toile toute entière. Ils s’introduisent comme de force, prennent une infinité de formes, révèlent une infinité de « choses » supposées cachées ou inabordables. Ondulés, délies, entrelacés, effilés, transparents, opaques, légers, lourds.. Autant de formes/situations régies par une esthétique d’équilibre d’ouverture libre comme de jonctions que les couleurs rehaussent d’une aura admirable. Violet, bru orange, jaune et bleu ciel. Teints qui lient le terrestre au cieux, les racines aux sommets, dans une verticalité ascendante perçant des nuées ou rien n’est visible, où tout est possible. Il y a là, dans cet agencement de textes /couleurs/ tâches/traits des escales dans un chemin vers le haut qui permet le salut recherché, désiré, que les cheikhs souffis implorent à coup de textes illuminés, proches du divin.

On en touche un exemple dans le tableau où un paragraphe célèbre des « Tawassine » d’Al Hallaj est transcrit. Celui concernant « le point », reproduit dans une bonne partie du tableau, à gauche, On y lit : « Il  s’éloigna de son cœur ; il vit et se perturba, il se perturba et vit ;  il était vu et il vit ; il arriva et se sépara ; il se sépara par désir, et il se sépara du cœur »

Vision, séparation. Cœur et désir. On palpe là le fond de ce qu’expérimente Lahcen Farsaoui. Dans la partie droite, il a peint (plutôt tracé) un trait cursif, de bas en haut, séparé et lié en même temps, avec des points/carres et des virgules. Tout en haut à gauche, une tâche elliptique légèrement transparente dont l’explication n’est pas importante, car elle ajoute au secret prémédité dont s’enveloppe l’œuvre. Le soufisme étant par nature domaine de l’inavouable.

Tout le travail de l’artiste va dans ce sens qu’est de percer par le moyen de l’art, ce domaine tant convoité de l’élévation par la création qui ne s’acquiert pas sans sacrifice énorme et inhabituel. C’est là où s’introduit l’élément figuratif dans maints tableaux. Il y a l’exemple d’une toile montrant des pieds nus à la chair rougie, comme par trop de marche ou par l’âge, criante de réalisme. Or, la constante qui attire l’attention et suscite la réflexion, réside en la réitération dans plusieurs toiles de l’être humain, en situation de sommeil, totalement nu, dans la position du fœtus, le teint d’un gris de crayon. Cet être toujours et délibérément placé en bas, couché, recroquevillé, atterré, noyé dans un univers d’écrits spirituels dont les nuées de lettres rend compte. C’est l’être dans sa réalité tue, non déclarée, mais réalité malgré tout et contre tous. Une immobilité de fait, ordonnée par le poids de ce qu’il faut endurer, dans l’acceptation volontaire.

L’art dans sa dimension plastique est un miroir qui nous fait refléter tout cela à travers la main inspirée de Lahcen Farsaoui qui a su toucher le moment de la belle turbulence de la quête de soi.

Par : Mbarek HOUSNI

 

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