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Relations économiques Maroc-Israël : Les pistes du partenariat

La reprise des relations entre le Maroc et Israel pose la question de savoir quelles potentialités s’offrent à l’économie marocaine dans cette ouverture et comment en tirer profit. Les Émirats Arabes Unis ont une longueur d’avance dans la mise en place de partenariats dans le cadre économique avec Israël.

 

Si la reprise des relations entre le Maroc et Israël actée en décembre 2020 a été particulièrement commentée sur le plan politique, le volet économique n’est pas en reste et représente une composante fondamentale.

La visite officielle de la délégation israélienne reçue par sa Majesté Mohamed VI le 22 décembre s’est soldée par la signature d’importants accords de coopération dans plusieurs domaines et jettent ainsi les jalons d’une coopération bilatérale appelée certainement à se développer rapidement.

Quatre accords ont fait l’objet de signatures conventionnelles et touchent, outre l’exemption de formalités de visas, l’aviation civile, l’innovation et le développement des ressources hydrauliques et la promotion du commerce et de l’investissement entre les deux pays.

Dans les deux bords, analystes et opérateurs économiques s’accordent à déclarer que les champs d’intervention économique et commerciale et les potentialités existantes sont extrêmement riches et diversifiées.

Si les secteurs économiques qui auraient à gagner de cette reprise des relations sont nombreux, certains présentent des potentialités encore plus grandes.

 

Israël est devenue en 2020 la 30ème économie la plus forte au monde, selon le classement établi par le think tank britannique Centre for Economics and Business Research (CEBR).

Un des leaders mondiaux dans la High technologie, de l’innovation et de la santé

C’est le cas des nouvelles technologies et de l’innovation où Israël dispose d’une longueur d’avance dans le monde. C’est le premier pays sur une liste de 148, en termes de capacité d’innovation, deuxième pays, en termes d’esprit d’entreprise et numéro 3 mondial en termes d’innovation, selon l’indice 2016 de compétitivité mondiale utilisé par l’IMD (Index de Dynamisme Mondial). Sur les 60 économies développées dans le monde, Israël est première en termes de capacités technologiques et scientifiques, toujours selon l’IMD, actualisé tous les ans. En 2017, les entreprises israéliennes spécialisées dans le high tech ont permis de lever 5,24 milliards de dollars avec un record de 620 deals. Enfin, en termes de brevets par habitant, c’est le cinquième pays du monde.  Sans nul doute, cette performance gagnerait à être exploitée. Israël est devenue en 2020 la 30ème économie la plus forte au monde, selon le classement établi par le think tank britannique Centre for Economics and Business Research (CEBR).

Ces pôles d’excellence pourraient représenter une véritable opportunité de part et d’autre, d’autant plus que le Maroc affiche une réelle ambition de mieux se positionner dans le secteur des nouvelles technologies et celui de l’innovation, particulièrement en direction du continent africain. Ce développement pourrait donc profiter de l’arrivée de nouveaux intrants israéliens dont le transfert de savoir-faire permettrait un développement local.

La santé est aussi un des secteurs porteurs où, là encore, Israël dispose d’une longueur d’avance et pour lequel des investissements croisés pourraient se développer.  C’est d’ailleurs un des secteurs prioritaires où les Émirats-Arabes Unis et Israël ont créé des joint-ventures au lendemain de l’officialisation de leurs relations intervenue en août 2020, en pleine crise Covid 19. Deux entreprises du secteur privé des EAU et deux entreprises israéliennes ont ainsi lancé plusieurs projets communs dans le domaine médical et de la lutte contre le coronavirus.

 

Le secteur des ressources hydrauliques est tout aussi prioritaire dans la coopération entre les deux pays.

Le transfert de technologie dans les ressources hydrauliques, un très fort potentiel

A côté de la santé, des nouvelles technologies et de l’innovation qui ont fait l’objet de la signature d’un accord de coopération, le secteur des ressources hydrauliques est tout aussi prioritaire dans la coopération entre les deux pays. La rareté de la ressource en eau avait fait de celle-ci une priorité nationale en Israël et avait incité le pays à s’investir pleinement dans la recherche et l’innovation dans ce segment économique, ce qui en a fait une puissance régionale.

Dans ce sens, les innovateurs et les entrepreneurs israéliens ont été parmi les premiers à utiliser des technologies de pointe en matière d’irrigation goutte à goutte, de dessalement et de traitement de l’eau. Ce qui intéresse pleinement le Maroc concerné aussi par cette problématique de rareté de l’eau.  Il faudra s’attendre à ce que des joint-ventures se créent dans ce domaine prochainement.

Tout comme l’eau, les énergies renouvelables figurent en pôle position des secteurs très potentiels pour des investissements croisés entre Israël et le Maroc. Le Royaume est considéré actuellement comme un des leaders dans la région et même dans le monde en matière d’énergies renouvelables. Le lancement de plusieurs projets de grande envergure comme la station Noor à Ouarzazate représente une pierre supplémentaire à l’édifice de la construction d’une puissance régionale. Israël, qui est aussi particulièrement avancée dans ce domaine, pourrait être un partenaire supplémentaire important pour le Royaume dans le cadre de nouveaux projets. Dans ce dernier domaine, là encore, les EAU ont été précurseurs en matière de partenariat avec les israéliens. En janvier 2021, un accord a été passé entre les entreprises des deux pays : une société émiratie basée à Abou Dabi et EDF Renewables Israël, une filiale du géant français EDF, basée à Herzliya près de Tel-Aviv.

Plusieurs milliers de juifs visitent annuellement le Royaume pour pratiquer le rituel de “Hiloula”

La communauté juive d’origine marocaine, un atout exclusif et exceptionnel

Last but not least, le tourisme, considéré comme un des secteurs les plus porteurs de cette nouvelle donne entre les deux pays. Dès le lendemain de la signature d’accords dans ce domaine, plusieurs titres de presse annonçaient la volonté de la compagnie aérienne El Al d’établir une desserte entre Rabat et Tel Aviv. Royal Air Maroc en fera de même dans les prochaines semaines.  L’aérien est en effet la condition sinequanone pour que se développe un flux de touristes entre les deux pays. Ce flux apparaît comme d’ores et déjà acquis. On parle de 100.000 touristes israéliens au Maroc dès 2022. Cette « assurance » de part et d’autre s’explique par l’existence d’une très forte communauté établie en Israël d’origine marocaine et dont les liens avec le Maroc restent extrêmement forts.

L’annonce de la reprise des relations faisait d’ailleurs état d’une véritable liesse de cette communauté en Israël qui se déclarait très ouvertement impatiente de se rendre au Maroc. Cette communauté est estimée à près d’un million de personnes.Pour simple rappel, la moitié des ministres de l’actuel gouvernement israélien est d’origine marocaine. A côté de ce flux de juifs d’origine marocaine qui pourraient se rendre au Maroc une fois les liaisons aériennes mises en place, le flux de visiteurs d’Israël dans le cadre de pèlerinages aux lieux saints est un segment très porteur. Le Maroc, abrite environ 36 temples et un grand nombre de sanctuaires juifs. Plusieurs milliers de juifs visitent annuellement le Royaume pour pratiquer le rituel de “Hiloula”, qui sont les saisons du pèlerinage juif dans les sanctuaires des rabbins juifs enterrés au Maroc. Rien qu’à Ouezzane, Aram Ben Diwan, le saint, reçoit environ 1000 pèlerins chaque année. Le tourisme religieux et culturel apparaît donc comme un segment extrêmement important dont le développement est indéniable à condition bien entendu de répondre davantage aux exigences de cette clientèle comme par exemple l’existence de services de restauration casher dans les établissements hôteliers intéressés par cette cible, un point très important pour les pratiquants.

Sur le plan touristique donc, le Maroc dispose d’un atout dont les autres pays arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël ne disposent pas. Israël abrite une très forte communauté juive d’origine marocaine qui affiche clairement son attachement au pays d’origine et de ses ancêtres. Dans l’autre sens, le Maroc compte actuellement plus d’un millier de juifs très attachés aussi à leur pays et qui sont pour la plupart dans les affaires. Ils pourraient d’ailleurs jouer un véritable rôle d’ambassadeurs dans le sens du développement des affaires entre les deux pays.

Sans nul doute, les perspectives de développement économique entre les deux pays laissent entrevoir de l’optimisme. « Ceci dit, le Maroc aurait encore davantage à gagner s’il mettait en place des mesures plus incitatives à l’adresse des investisseurs étrangers. Celles-ci concernent plusieurs secteurs ».C’est l’avis de Adil Elaoufir, homme d’affaires et gérant de patrimoine. Ce dernier considère que la promotion de l’investissement israélien au Maroc passe par un assainissement de l’environnement économique. Pour lui, les mesures dans le secteur financier occupent le premier rang car certaines normes sont considérées comme obsolètes et non incitatives. Comme par exemple le cas de l’Office des Changes qui devrait être réformé .La justice et la lenteur administrative sont souvent pointées du doigt et considérées comme des freins à l’investissement étranger . Dans ce sens, le Maroc a fait de grands progrès mais reste bien-en-de-ça de ce qui se pratique dans les pays occidentaux. Enfin, la formation et les ressources humaines ne sont guère à négliger . Les investisseurs y accordent une attention particulière notamment dans des secteurs où elles sontcentrales comme les énergies renouvelables ou l’innovation, citées plus haut.

 

Amine SAAD

 

 

 

 

 

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