Entre avril et juin 2020, le nombre de cas de violence domestique subie par les femmes au sein de la communauté immigrée marocaine en particulier a triplé. C’est le bilan dressé par le centre Al Hasaniya qui œuvre pour venir en aide aux femmes immigrées en difficulté et qui appelle à une meilleure prise en charge de cette problématique.
Si la précarité et, partant, la violence sévit particulièrement dans les milieux défavorisés, elle est très présente au sein des communautés immigrées. Que ce soit en France, en Espagne, en Italie ou au Royaume-Uni, partout à travers le monde, la violence conjugale a battu son plein au cours de la pandémie. Les femmes issues des communautés immigrées ont été particulièrement touchées. La tendance a été observée partout.
L’épidémie soudaine de Covid-19 a particulièrement touché les femmes, et les recherches d’ONU Femmes indiquent que l’augmentation du nombre de personnes victimes de violence est alarmante et préoccupante.
Le Royaume-Uni n’a bien entendu pas échappé à cette tragédie. Les associations qui œuvrent au contact des populations immigrées font savoir que la violence a connu une hausse sans précédent au cours de l’année 2020. Et ajoutent qu’il est urgent et nécessaire de déployer davantage de moyens pour tenter d’y mettre fin, tout au moins venir en aide à ces femmes désemparées. C’est le cas du Centre Al Hasaniya.
«En tant qu’organisation caritative soutenant principalement les femmes migrantes, nous sommes souvent confrontés au défi de savoir comment conseiller et soutenir au mieux les femmes victimes de violence domestique au Royaume-Uni, sans porter atteinte à leurs droits légaux dans leur pays d’origine. Les femmes qui viennent dans notre centre font l’expérience d’appartenances multiples. Ils appartiennent à deux pays, le Royaume-Uni et leur pays de naissance, et donc toute mesure prise pour les protéger ici au Royaume-Uni doit toujours être mesurée par rapport aux impacts potentiellement négatifs dans leur pays d’origine », explique Souad Talsi, MBE, fondatrice de Al Hasaniya et membre représentante du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME). La recrudescence de la violence a été flagrante. « Entre avril et juin 2019, notre centre a traité 43 cas de violence domestique qui nécessitaient une intervention complète et le transfert de la victime dans un refuge. Au cours de la même période en 2020, nous avons vu le nombre tripler pour atteindre 103 cas nécessitant une intervention policière et judiciaire, en plus desquels nous avons eu plus de 200 enquêtes », est-il indiqué dans le rapport annuel du centre.
Les raisons sont multiples. Parmi celles citées par le rapport, on retrouve l’absence de soutien familial au Royaume-Uni, la barrière de la langue, l’incapacité à naviguer dans le système, le statut d’immigration et la peur de l’expulsion, les traditions et coutumes ethniques ainsi que le manque de ressources adéquates pour éduquer, autonomiser et informer cette catégorie de la population. Les efforts fournis par le centre sont grands. La lutte contre la précarisation des femmes immigrées, leur meilleure insertion au sein des pays d’accueil, l’autonomisation des femmes et la résolution de situations familiales et psychologiques délicates sont les missions essentielles du Centre. Reste que les pouvoirs publics doivent être davantage sensibilisés à la problématique et déployer de plus grands moyens pour assister cette population.
Amale DAOUD