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Cinéma: L’acteur Youssef Kerkour rêve de séries marocaines à succès international

Nominé aux Bafta, célèbre en Grande-Bretagne, évoque son amour du Maroc et son souhait d'y créer. Entetien.

Nominé aux BAFTA Awards, l’une des plus prestigieuses récompenses britanniques du cinéma, Youssef Kerkour a une belle carrière dans un pays où l’industrie cinématographique n’ouvre pas grand les bras aux acteurs étrangers. Aujourd’hui, il envisage d’implanter sa société de production au Maroc pour passer à une nouvelle étape : produire pour des plateformes cinématographiques des feuilletons purement marocains. BM Magazine l’a interviewé en exclusivité.

 . BM Magazine : Napoléon de Ridley Scott dans lequel vous jouez vient de sortir dans les salles de cinéma. Racontez-nous votre aventure.

 . Youssef Kerkour : Ce n’est pas la première fois que je travaille avec Ridley Scott. J’ai eu l’occasion de jouer dans « La Maison de Gucci ». C’est là que nous nous sommes rencontrés. C’était trois mois de travail intenses. Lorsqu’on a su que Napoléon allait être tourné, mon agent m’a proposé à Ridley Scott pour jouer le rôle du Maréchal de Fer, un personnage qui me ressemble. L’expérience était inoubliable parce que ce genre de tournage devient rare (250 figurants par jours, 500 chevaux…). Lorsque la bataille de Toulon a été filmée à Malte, il a fallu prendre 200 bateaux à voile. C’est impressionnant ! Il y a le minimum de trucage virtuel.

Ridley Scott a tourné ce film dans les mêmes studios que ceux où a été tourné « Gladiateur ». C’était vraiment extraordinaire.

Pour les besoins de Napoléon, j’ai perdu 35 kilogrammes en 3 mois. Un exploit !! C’était pour mieux ressembler au Maréchal Louis Nicolas Davaut que je devais incarner dans le film.

Q2 : On vous a confié le rôle d’un syrien dans une des séries les plus en vogue en GB. Ce qui vous a valu une nomination aux BAFTA. Les rôles qui vous sont confiés correspondent-ils à un type casting ?

. Mon look (2mètres, avec de l’embonpoint, chauve un peu..) correspond un peu à celui d’un Sans Domicile Fixe ou un terroriste.. C’est plutôt ces rôles que je jouais. Après 25 ans de travail professionnel, je trouvais que ce type casting, qui colle une image à un acteur, me convient. Il faut se rendre à l’évidence que l’accès à l’industrie du cinéma dans le monde occidental reste fermé aux étrangers. Pour pouvoir s’y faire une place, il faut savoir accepter qu’un type casting est un moyen d’y pénétrer. Le regard des producteurs sur nous qui venons d’autres continents, sont forcément influencés par des peurs, les politiques …. Il y a des préjugés donc naturellement les rôles qui nous sont proposés répondent à ce type de profil.

J’ai étudié aux USA puis en Grande-Bretagne. Je n’étais pas préparé à affronter des producteurs fermés aux étrangers . Le monde de l’art est différent aux USA. Cela m’a valu de chômer pendant près de 5 ans, de n’avoir que de petits rôles de figurant. Puis j’ai réalisé que les gens n’avaient de vous que l’image que vous donnez. Je me suis fait pousser la barbe, mis de la musique arabe dans mes vidéos. J’ai donc été perçu comme cela et c’est à partir de là que je me suis vu proposer des rôles de terroriste.

Dans la série Home, je jouais le rôle de syrien qui n’avait rien d’un terroriste. C’était une première pour moi et je commençais à jouer d’autres rôles. Il fallait humaniser les immigrés face à un parti de droite qui commençait à s’attaquer aux étrangers en Grande-Bretagne.

Q3 : Vous êtes né à Rabat, vous êtes parti faire des études artistiques à l’étranger… Racontez-nous votre parcours.

. Ma mère, anglaise, s’est installé au Maroc dans les années 70. Mon père est originaire d’Oujda. J’ai étudié à la mission française puis à l’école américaine à Rabat où ma mère enseignait. A 18 ans, je suis parti à New York étudier dans une université le théâtre et la danse. J’y ai obtenu mon diplôme après 4 ans. J’ai vécu à New- York jusqu’en 2011 où j’ai travaillé dans le monde du film indépendant à Brooklyn. J’ai quitté les USA pour la Grande-Bretagne. A 23 ans, je commençais à zéro. C’était très difficile parce que c’était très différent. J’ai intégré la London School of Arts à Londres. J’ai fait beaucoup de théâtre pendant une dizaine d’années jusqu’à ce que j’obtienne un rôle dans la Compagnie de Théâtre de Sheakspeare. Puis j’ai joué pour des téléfilms puis pour le cinéma.

Q4 : La double culture, comment vous la qualifiez ? Un obstacle ou une richesse?

. C’est une richesse qui m’a beaucoup apporté. Cela suppose que mon identité est une identité étrangère avec une identité marocaine qui m’apporte de la richesse. Or, je me suis toujours identifié en tant que marocain. Ma culture est purement marocaine.

Pour parler du domaine dans lequel j’évolue, la différence entre les USA et la Grande-Bretagne est très grande. En Angleterre, la différence n’est pas appréciée. Au contraire aux USA, on vous apprend à faire de vos différences une richesse pour être «unique».

On vous donne les rôles de terroriste, chauffeur de taxi, SDF, Général dans un pays arabe, ……traducteur arabe dans une armée .. J’ai pris la décision d’accepter ces rôles pour pouvoir intégrer l’industrie cinématographique occidentale.. Après on peut changer.

Le théâtre arabe est plus proche du théâtre scheaksperien que le théâtre anglais actuel. Notre culture est très ancienne.

J’ai toujours parlé de mes origines marocaines pour toute ces raisons.

Ma culture n’a pas du tout été un frein. J’ai toujours choisi de m’identifier en tant que marocain.

Q5 :  Vous suivez le cinéma marocain. Quel est votre regard sur ce secteur au Maroc ?

. Il y a de très bons cinéastes. Je pense à Kamal Lazrak, Asmae Moundir, Sophia Alaoui…

Depuis 15 ans, le Maroc a voulu produire en construisant les studios.. Les choses ont évolué. C’est un cinéma qui commence à monter. Nous devrions nous intéresser davantage à la télévision car elle permet d’accéder plus facilement à l’international. Elle permet de mettre un drapeau dans la maison des autres. Dans le monde arabe, il y a la tendance de créer des films qui, à leur base, ont un cadre occidental comme si c’était un film américain ou français en langue arabe. C’est un piège. Si on fait ces films, nous donnons l’image que le cinéma marocain évolue mais reste une mimique. Nous devons créer notre propre cinéma qui n’est pas une copie de ce qui se passe ailleurs, dénaturer notre culture.

. Q6 : Est-ce que vous vous intéressez au Maroc dans ce domaine ? Vous y avez des projets ?

. Je m’intéresse beaucoup au Maroc depuis que je l’ai quitté. D’ailleurs j’envisage de m’y installer de façon permanente. Je projette de lancer ma société de production au Maroc, en lien avec ma société en Grande-Bretagne. Le monde anglophone s’ouvre et le Maroc se tourne de plus en plus vers ce monde là. Avec mon expérience, je pense que je peux jouer un rôle de lien entre les deux pays. Mon rêve est de créer des séries qui peuvent être diffusées sur des réseaux comme Netflix, Amazon.. Créer des séries marocaines, parlant de sujets marocains, qui plaisent aux occidentaux.

Prenons l’exemple de la Corée du Sud. Il y a de nombreuses séries coréennes, mexicaines.. qui plaisent à l’international, pourtant elles sont diffusées en langue originelle sur des plateformes comme Netflix. C’est comme cela que l’on peut développer des industries.. Les séries cartonnent à l’international. J’aimerais que le Maroc en fasse de même. Venir au Maroc, utiliser ce que l’étranger m’a appris…c’est mon rêve

 

 

Entretien réalisé par Amale DAOUD

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